Bonjour à tous !
Nombreux sont mes articles dus à mes petites heures d’insomnie. Si celles d’hier m’ont permis d’avoir de nouvelles idées (encore et toujours) pour le Cycle des Enfants de l’Univers, celles de ce matin m’ont donné à réfléchir sur l’écriture et plus particulièrement sur cette relation que l’on entretient avec les autres (lecteurs, critiques, éditeurs…).
Au départ, mon exemple très parlant portait sur la cuisine. J’avais déjà écrit tout un article dans ma tête sur votre gâteau préféré et je pensais que c’est ce que j’allais vous partager aujourd’hui, juste avant d’arriver à la fin et de penser aux œuvres d’art. C’est un peu un grand écart, même si, en soi, les gâteaux peuvent être des œuvres d’art comestibles. Pourquoi pas ? Toujours est-il qu’aujourd’hui, j’ai beaucoup de choses à vous dire, mais plus important, je veux juste vous offrir une piste de réflexion.
Il faut dire que je réfléchis beaucoup en ce moment aux moyens d’éditer mes romans et je ne me suis toujours pas décidée. Vous comprendrez alors que je reconsidère mon avis sur l’auto-édition, je réfléchis aux agents littéraires, aux éditeurs. Les chemins sont étalés devant, mais je ne sais pas encore lequel prendre. Ce n’est pas grave, j’ai du temps. Mais ces choix me font me poser de nombreuses questions sur mes romans, sur ce que j’ai à offrir, sur le « produit fini ».
Je ne sais pas depuis quand le modèle d’édition lambda existe, et je ne vais pas vous donner des chiffres car c’est loin d’être le but de cet article, mais je n’en ai pas besoin pour savoir que ça fait assez longtemps. Assez longtemps pour devenir une habitude. Une fois que vous avez terminé votre roman, si vous voulez le partager, soit vous le faites lire à votre entourage, soit vous l’envoyez aux éditeurs. Dans les deux cas, vous êtes confrontés pour la première fois aux regards extérieurs. Et généralement, ce qui arrive, c’est qu’on va vous dire ce qui ne va pas. Je ne dis pas qu’ils ne vont rien trouver de bien à votre roman, ni même l’apprécier, mais s’ils sont tout simplement honnêtes, ils vous diront ce qui, à leurs yeux, ne fonctionne pas.
Et si vous n’êtes ni trop têtus, ni trop naïfs, vous allez retravailler un peu votre manuscrit. Jusqu’ici, pour ceux qui ont déjà écrit un livre, rien de très anormal, car d’une certaine façon vous cherchez à savoir ce qui ne va pas pour améliorer votre roman. Donc en fait tout va bien. Ou pas vraiment.
C’est à ce moment-là que je vais vous parler des œuvres d’art. Que l’on parle de tableaux, de sculptures ou d’autres formes, jusqu’ici, et à moins que je sois très mal informée, cela ne nous vient pas à l’idée de dire : « Il aurait dû faire ça. » On ne dit jamais qu’il aurait dû mettre du rouge à la place du bleu, ni même qu’il aurait dû faire le petit doigt un peu plus long. On aime ou on n’aime pas. Mais combien de fois a-t-on entendu cette phrase, ou même prononcée cette phrase à la lecture d’un livre ? Même pour un livre terminé, édité, approuvé par des professionnels, on peut dire « Le personnage aurait gagné à être un peu plus débrouillard, ça aurait donné plus de force au roman. »
C’est bien pour ça que nous avons des critiques littéraires, mais pas besoin de faire ce métier pour juger un livre. En tant que lecteurs, nous sommes facilement tentés d’avoir une idée sur ce que le roman aurait pu être pour être mieux. Et jusqu’à ce matin, je n’arrivais pas à voir ce qui me chagrinait profondément dans cette situation. Puis j’ai fait le parallèle avec les œuvres d’art.
Votre roman est une œuvre d’art. Attention, je n’ai pas dit chef-d’œuvre — quoique, on ne sait jamais — mais, c’est une œuvre d’art. Votre roman, votre histoire, vos personnages sont le résultat de ce que vous avez voulu exprimer, partager. C’est un mélange de vos inspirations, de vos idées, de ce que vous aimez vraiment. C’est une œuvre artistique et créative. Et pourquoi (au nom de quoi ?) on devrait dire que votre expression devrait être meilleure ? Que ce que vous avez choisi pour partager, pour créer quelque chose qui vous tient à cœur, devrait être mieux que ça ?
Quand je me suis posée ces questions, ça a fait un gros silence dans ma tête. Parce que, en tant qu’écrivaine très douée pour se dénigrer et toujours à la recherche des imperfections, je ne fais que ça d’être attentive à ce qui doit être amélioré pour plaire. La première fois que j’ai partagé mon premier roman (le prédécesseur de Pandore) et que j’ai reçu un avis, ma petite tour intérieure s’est quasiment effondrée. Imaginez plutôt un échassier à qui il manque une échasse. Ça déséquilibre, parce que ça donne l’impression qu’on est aussi nul que son roman. La vérité, c’est que nos romans sont ce qui nous représente, comme une œuvre d’art représente un artiste, ses émotions, ce qu’il a pu ressentir ou vivre lorsqu’il a créé un tableau. C’est lui. Et c’est vous. Nous. Nous sommes des artistes. Nous nous exprimons, nous donnons tellement de nous-mêmes dans nos histoires. Et finalement, pourquoi ce qui nous représente, ce qui exprime la personne que nous étions lors de sa création, devrait s’adapter aux regards des autres, devrait plaire au plus grand nombre ?
Pour être honnête, cette question vient me chercher loin et peut-être qu’elle ne vous fera aucun effet. Mais nous sommes tellement habitués à l’idée que des personnes extérieures vont à un moment ou un autre s’investir dans notre œuvre pour l’améliorer que nous ne posons plus la question. Mais améliorer quoi ? Oui, nos romans sont imparfaits, mais combien de fois avez-vous lu des livres qui vous ne plaisaient pas du tout, qui étaient pourtant bien édités ? Être édité n’a rien à voir avec la perfection, ça n’a rien à voir avec l’amélioration de notre roman. Le mode d’édition normal, c’est offrir un morceau de votre âme, de votre vécu à une maison pour qu’ils le partagent. Mais pour ça vous devrez le modifier un peu et gagner moins que tout le monde. Et, même si mon article n’est pas là pour parler du pourcentage que gagne un auteur, ça fait partie du jeu.
Nos romans sont des œuvres d’art. Ce sont loin d’être que des personnages, qu’une histoire, nous sommes derrière tout ça, nous sommes avec eux. Comme un artiste utilisera des couleurs, des formes pour exprimer ce qu’il a en lui, nous créons des romans pour mettre en mots ce que nous vivons, mais nous donnons le pouvoir aux autres de changer cela. Aucun artiste ne laisse quelqu’un derrière lui lui dire de changer quelque chose, alors pourquoi nous ? Nous avons le droit d’améliorer nos romans, nous avons le droit de réécrire encore et encore pour qu’ils expriment ce nous avons en nous. Nous avons le droit de demander de l’aide, des idées, un avis. Mais une fois que nous considérons notre œuvre comme terminée, une fois que nous avons mis le point final et que nous savons, même s’il est imparfait, que ça y est c’est fait, au nom de quoi on irait changer encore quelque chose ?
Parce que lorsque vous êtes prêts à envoyer votre manuscrit à un éditeur, vous avez déjà donné de vous, vous avez déjà retravaillé. Et c’est fort probable que l’on refuse votre manuscrit, donc vous allez l’améliorer. Mais s’il est accepté, il y aura toujours du changement. Vous aurez toujours le droit de refuser, mais nous sommes tous tellement habitués à changer, à s’adapter pour plaire que nous oublions que notre roman est l’exacte expression de ce que nous avons en nous. Même quand il est loin d’être parfait.
Je ne sais pas si je réussis à exprimer ce que je veux dire, ni même si ce sera clair ou pertinent à vos yeux, mais je sens quelque chose de tellement fort en moi qu’il faut que ça sorte. Elizabeth Gilbert a demandé un jour « Voulez-vous vivre une vie créative ? » et ces mots me touchaient déjà beaucoup, mais je sens que je suis passée à l’étape suivante. Parce que mes romans n’ont pas besoin d’être aimés, ils ont simplement besoin d’être le résultat de ce que je veux exprimer. Refléter un peu de moi. Et c’est le plus important.
Elizabeth Gilbert posait cette question parce que nous avons tous tendance à vouloir trop travailler pour que ce soit parfait. Mais on n’a pas envie de travailler toute notre vie sur un roman, on a envie de s’exprimer encore et encore. Je n’ai pas envie de travailler sur mes œuvres pour qu’elles soient à la hauteur de la Chapelle Sixtine, parce que je veux exprimer des tas de choses, vivre des tas d’histoires et les raconter. C’est ça qui compte pour moi, m’exprimer et non pas changer pour plaire. Je veux être moi-même et offrir ma vision du monde.
Cet article n’est pas là pour dénigrer les éditeurs, l’avis des lecteurs, ni même les critiques littéraires car j’ai fait quelques critiques moi-même ; il est là pour dire que nos romans ont beaucoup plus d’importance que nous le pensons vraiment et que nous ne devrions pas nous attacher aux regards des autres. Parce que si les autres ne trouvent pas ce qu’ils cherchent dans notre œuvre, ils ont la liberté de l’exprimer eux-mêmes.
Ne vous privez pas de la liberté de votre expression, ne vous privez pas de ce que vous tient à cœur pour que quelqu’un aime votre roman. Exprimez-vous, simplement, soyez vous-mêmes et partagez ce que vous avez au fond de vous parce que c’est important. Parce que ça vous appartient. Des gens aimeront ce que vous faites, mais ne changez rien pour que ce soit le cas.
Je vous souhaite une excellente journée !
Caroline
Sources photos : Rawpixel, Eepeng Cheong & Kelly Sikkema
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